Les
secondes tombent sur ma tête comme des fines goutelettes. Elles m'effleurent à
peine. Roulent sur mes joues silencieusement.
Je suis
partie loin. J'ai traversé mon pays. Pour que le temps d'un été, la vie
me pleut dessus. Maintenant la nostalgie fond sur mes bras ma tête et mon
corps.
J'ai fait
tout ce bout de chemin pour que la vie m'arrive. Qu'elle me tombe
dessus. Comme un chimpanzé secoue un cocotier. J'avais soif d'embûches, de
rencontres, d'opportunités, de péripéties, d'aventures, d'émerveillement. J'avais
soif d'extraordinaire.
Et à quelques reprises, des noix de coco sont tombées sur ma
tête.
Mon esprit
s'est dilué dans le lac Okanagan et mes tourments se sont dissipés comme les
nuages. Ici le soleil ne se tanne jamais de briller du plus fort qu'il
peut et il reflète sur le lac et les feuilles des cerisiers.
Mes songes reposent au fond des eaux troubles du lac sur
lequel dansent le reflet des colines, vêtues de vergers châtoyants.
Seul le bruit des ondulations du lac qui s'échouent sur la rive
me rappellent les secondes les minutes et les heures.
Le paysage pittoresque flottant sur le lac aborde une
apparence étrangère chaque fois que j'y pose les yeux.
Mes doigts creusent le sable.
Tout le monde semble s'être réfugié ici pour fuir le temps.
Tout le monde a enterré ses souvenirs dans le sable chaud et
tout le monde s'est inventé une nouvelle histoire à raconter. Plus jolie.
Mais moi j'ai simplement oublié. J'ai oublié la mienne.
J'ai entortillé, dissimulé, ébouriffé toutes celles qui se sont
logées dans mes cheveux au fil du temps.
Je suis
revenue maintenant. Les cheveux encore plus mêlés. Les chevilles
entortillées, les pieds blessés et des bleus partout.
et le coeur un peu plus abîmé.
Je suis
revenue ici. Ici où les gens ont des obligations. Où la vie nous emporte
tous. Ici où on doit suivre le
courant. Moi je nage à contre-coeur et je m'essouffle très vite.
J'avais oublié la vie ici. Je m'étais taillée une vie sur mesure, là-bas,
à l'autre bout du pays. Là-haut. La tête faufilée entre les branches de
cerisiers, pour capter cette vue majestueuse du haut de mon arbre.
Je suis revenue. Et ça goûte le repas congelé. Comme si
j'avais mis ma vie comme un plat au congélateur pour quand j'allais revenir
mais je savais pas que ça goûterais aussi mauvais. Je savais pas qu'en
revenant, j'aurais encore dans les papilles toutes ces saveurs que j'ai goûtées
pendant l'été.
J'ai encore soif d'extraordinaire et tout ce que je goûte
c'est le congelé réchauffé.
La chaleur réconfortante et la saveur authentique des
aliments ont disparues.
Comme les
couleurs de ma vie ici semblent avoir ternies.
Revenir.
Voilà une chose bien curieuse. Surtout quand on laisse un pied là-bas.
mon coeur
brille encore quelque part sous le soleil de l'Okanagan
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